CSE : plus de condition d’ancienneté pour l’accès aux ASC
(Cet article a été rédigé par Pascal LOPEZ (Technologia), partenaire du groupe Up, et est relayé avec son aimable autorisation par Up Kalidea)
Il est désormais interdit au comité social et économique (CSE) de subordonner l’accès à tout ou partie de ses activités sociales et culturelles (ASC) à une condition d’ancienneté minimale dans l’entreprise.
Bon nombre de CSE ont fait le choix de réserver l’accès à la totalité de leurs prestations ou à certaines d’entre elles seulement, généralement les plus coûteuses (chèques vacances, voyage, etc.), aux salariés nouvellement embauchés ayant une ancienneté minimale dans l’entreprise. Rien d’illégal à cela, dès lors que tous les salariés, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, étaient traités de façon identique, et que l’ancienneté exigée ne revenait pas à exclure systématiquement les CDD ou les stagiaires. A cet égard, on conseillait vivement d’éviter d’appliquer une condition d’ancienneté de six mois
Une pratique que l’on ne verra plus
Dans un arrêt du 3 avril 2024, la Cour de cassation vient de décider qu’il n’était plus possible d’utiliser une telle condition d’ancienneté pour l’accès aux ASC proposées par le CSE.
Quelques mois après sa mise en place, le CSE de Groupama Assurances Mutuelles décide au cours d’une réunion de septembre 2019 de modifier son règlement général sur les activités sociales et culturelles (ASC) et d’instaurer « un délai de carence de six mois avant de permettre aux nouveaux embauchés de bénéficier des activités sociales et culturelles ».
Contestant l’instauration de ce délai de carence, la CGT Groupama demande au tribunal judiciaire de Paris de déclarer illicite le délai de carence de six mois et d’annuler le nouvel article du règlement du CSE. Pour l’organisation syndicale, l’exigence d’une ancienneté minimale « ne saurait être un critère d’ouverture du droit à bénéficier des activité sociales et culturelles » et serait discriminatoire.
La cour d’appel rejette la demande
Comme l’avait fait le tribunal judiciaire dans un jugement du 20 octobre 2020, la cour d’appel de Paris rejette la demande.
Pour les juges, la condition d’ancienneté de 6 mois dans l’entreprise pour bénéficier des ASC du CSE était appliquée de la même manière à l’ensemble des salariés. Ils étaient donc tous placés dans la même situation au regard d’un critère objectif qui ne prenait pas en compte les qualités propres du salarié. D’où l’absence de discrimination.
De plus, d’après la cour d’appel, le comité était « légitime, dans l’intérêt même des salariés, à rechercher à éviter un effet d’aubaine, résultant de la possibilité de bénéficier, quelle que soit l’ancienneté, des actions sociales et culturelles du CSE, réputées généreuses ».
La condition d’ancienneté désormais illégale
La Cour de cassation ne voit pas les choses ainsi et décide, simplement après avoir rappelé les articles du code du travail sur activités sociales et culturelles (articles L. 2312-78 et R. 2312-35), que « l’ouverture du droit de l’ensemble des salariés et des stagiaires au sein de l’entreprise à bénéficier des activités sociales et culturelles ne saurait être subordonnée à une condition d’ancienneté ».
Autrement dit, exit la condition d’ancienneté, qui est désormais illégale.
Curieusement, alors que l’action en justice initialement engagée reposait sur le caractère discriminatoire de la condition d’ancienneté votée par les élus du CSE de Groupama, la Cour de cassation ne se réfère même pas à la discrimination pour justifier sa décision et déclarer illégale la condition d’ancienneté.
Quoi que l’on en pense, cette décision oblige dès à présent les CSE qui utilisaient une condition d’ancienneté à changer sans attendre leur pratique et à bannir ce critère. Il faudra le faire en réunion sous forme d’adoption d’une délibération afin de redéfinir les conditions d’accès aux prestations du CSE et de donner l’information à tous les salariés. Si besoin est, il faudra penser à anticiper les éventuelles répercussions budgétaires et revoir le budget prévisionnel du CSE.
Enfin, un salarié qui n’a pas pu bénéficier des bons d’achat de Noël car il n’avait pas, par exemple, l’ancienneté de 3 mois exigée par son CSE pourrait-il se prévaloir du fait que la condition d’ancienneté est désormais considérée comme illégale et réclamer à son comité les bons d’achat en question ? Même s’il est difficile de répondre à cette question avec certitude, une telle action ne semble pas impossible. On ne peut nier que le fait d’avoir été privé des bons d’achat sur la base d’un critère illégal a bien provoqué une inégalité de traitement par rapport aux salariés qui remplissaient la condition d’ancienneté et qui ont eu droit à leurs bons d’achat. Probable que certains CSE auront à gérer ce genre de situation.
Et du côté de l’Urssaf
A ce jour, si on va voir ce que nous dit le guide 2024 des Urssaf, on peut lire que le bénéfice des activités sociales et culturelles peut être « réservé aux salariés ayant une ancienneté, dans la limite de six mois ». La prudence recommande dès à présent de ne pas tenir compte de cette affirmation, en l’occurrence sans aucune valeur juridique, et d’acter une bonne fois pour toute que la condition d’ancienneté est illégale. D’ailleurs, il est probable que ce guide soit modifié pour tenir compte la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation.
Sources
Article rédigé par Pascal LOPEZ (Technologia) sur LinkedIn, relayé avec son aimable autorisation en tant que partenaire du groupe Up